Feu d’artifice grand siècle

Avant de partir, il faudra d’abord s’alléger de nos sourires en demi-coin, de notre ironie légendaire. Vous verrez, cela libère beaucoup de place dans la valise. Sarcastiques et revenus de tout, passez votre chemin car ici, l’Histoire se joue au premier degré avec une application sans nom, un travail phénoménal, des kilomètres de tissus (Pierre Frey), de galons, des livres entiers de croquis, vingt-trois uniformes recréés par Terre Ciel Studio… « Le poids était énorme, avoue Christophe Tollemer, architecte et décorateur d’intérieur, il fallait respecter tout ce que les siècles nous ont délivré, lire les inventaires, écouter les historiens, entrer quasiment dans un jeu de rôles avec parfois des éléments impalpables. Je pense à la lumière. Elle est omniprésente, dans la journée et le soir avec le jeu des bougies. »

Situé dans le parc du château de Versailles, le Grand Contrôle a été construit en 1681 par Jules Hardouin-Mansart, architecte favori de Louis XIV. Il s’étend aussi à deux édifices voisins – l’hôtel du Petit Contrôle et le Pavillon des premières cent marches -, tous repris par le groupe LOV Hotel Collection (Château Estoublon, les Airelles Courchevel, la Bastide de Gordes…) et Ducasse Paris pour créer cet établissement de luxe avec 14 chambres et suites.

Dès l’arrivée, votre allure va se modifier d’elle-même. Un peu de maintien, ventre saint-gris ! De la mesure et de la lenteur, saluez vos hôtes, sentez la cape de velours sur vos épaules, le subjonctif dans votre bouche. Un majordome s’occupera de vous. Dès le matin, il viendra « gratter » à la porte, et non toc-toquer communément. Que diable, on ne saurait heurter la porte du Roi. C’est ainsi que l’on procédait, en faisant un petit bruit avec les ongles (ou un peigne) afin que l’huissier ouvre. Si on était une personne de la famille royale, l’huissier qui attendait derrière activait les deux battants de la porte. Si on était un duc ou une duchesse, il n’utilisait qu’un battant. Imaginez notre sort… Il ouvrira les rideaux, fera couler le bain.

© Renee Kemps

Quatuor à cordes

La journée peut commencer avec, partout, des musiques de cour, notamment celle de Jean-Baptiste Lully. Ce Florentin, bisexuel affiché, débuta à la cour comme garçon de chambre chez mademoiselle de Montpensier. D’où peut-être cette musique au phrasé si délié, imitant la déclamation des grands acteurs du XVIIe siècle avec le jeu des notes longues sur une syllabe accentuée, une note courte sur une syllabe non accentuée.

Eu égard aux tarifs dodus (nuit avec petit déjeuner, à partir de 1 700 €), votre journée sera richement relayée avec des visites uniques réservées aux clients de l’hôtel (galerie des Glaces, Grands Appartements, domaine du Trianon…) mais également jeux de société d’époque, découverte du Grand canal en voiturette de golf ou bateau électrique, essayage de costumes pour les aficionados…

La table elle aussi abat ses cartes avec magnificence. Alain Ducasse connaît la musique et ses déliés. Servi en habits d’époque, accompagné d’un quatuor à cordes, un menu hors norme avec pas moins de douze séquences alterne oeuf au caviar, turbot au naturel, poularde aux écrevisses accompagnées d’une canonnade sublime de vins (Dom Pérignon, Château Angélus, Yquem…) envoyant l’addition rejoindre le feu d’artifice privé donné au-dessus du château de Versailles. Le Grand Contrôle, histoire de ménager votre retour au réel, a eu la bonne idée de créer un spa avec piscine et produits Valmont. Viendra bien le moment de quitter ce songe éveillé. Ne vous retournez pas, il n’y a pas de traces. Juste votre coeur en habit.

airelles.com

Les commentaires sont fermés.