Feux d’artifice du 14 Juillet : la crainte d’une année noire dans l’Aube

Avec le coronavirus, les traditions s’en prennent plein la figure. Après le 1er mai (vente à la sauvette interdite, etc.), c’est le 14 juillet qui semble devoir faire les frais de l’épidémie. Plus précisément les feux d’artifice qui embrasent le ciel de nos communes le 13 au soir.

À écouter Patrick Schönbächler, artificier depuis vingt ans, les « oh la belle bleue ! » risquent fort de se faire rares cette année. Avec sa société (Patrick Artifices, basée à Creney-près-Troyes), il réalise « les plus grands feux d’artifice du département ». Environ « 120 à l’année », dont les trois quarts les 13 et 14 juillet. Chaque veille de fête nationale, avec son équipe, il en tire « vingt-cinq ». Pour les feux de « moyenne importance », il a formé des artificiers dans les communes.

« Les spectacles pyrotechniques représentent 50 % de mon chiffre d’affaires », précise le chef d’entreprise, qui dirige deux autres affaires (L’Usine du Cadre et Patrick Décoration). C’est dire la taille de l’épée de Damoclès économique qui oscille au-dessus de sa tête.

Des feux tirés en décalé ?

« L
es municipalités gèrent la question au jour le jour », indique Patrick Schönbächler. « Très peu se sont positionnées dans un sens ou dans l’autre », ajoute-t-il. À deux mois du grand soir, seulement deux communes avec lesquelles il travaille habituellement ont annulé leur feu d’artifice (Payns et Romilly-sur-Seine). Les autres attendent ; mais les annulations seront sûrement nombreuses, redoute-t-il.

Selon lui, la pyrotechnie n’est « pas la priorité dans certaines communes ». À l’inverse, « des nouveaux maires veulent marquer le coup (de leur élection). Je sais que plusieurs d’entre eux envisagent de repousser leur feu d’artifice à la rentrée », confie-t-il. Ce qui à son sens n’est pas une mauvaise idée : « Les feux d’artifice ont été votés et budgétés par les municipalités. Le mieux serait de les tirer en décalé. » À l’occasion d’un vide-greniers ou de toute autre manifestation.

En attendant Édouard

Pour l’heure, Patrick Schönbächler guette la « reprise ». « Tout dépendra de ce que va décider le gouvernement (en termes de rassemblement de public) », dit-il. « Le 2 juin (date de l’allocution très attendue du Premier ministre Édouard Philippe, qui communiquera sur la 2e étape du déconfinement, NDLR),
nous aurons des réponses », espère-t-il, expliquant qu’« il faut déclarer un feu d’artifice en préfecture un mois à l’avance. »

Il termine : « J’ai passé mes commandes en janvier (des explosifs déflagrants importés de Chine à 98 %). La poudre à canon se conserve, mais ça représente un stock important, qu’il faut financer. Déjà, j’ai “perdu” l’Estac (feu d’artifice de fin de saison prévu le 25 mai), une concentration de camions à Brienne-le-Château, le gala de l’UTT et un concert de métal au château de Vaux. Alors je n’ose pas imaginer une année “blanche”… »

Rien à ce jour n’est encore acté. Mais on se dirige clairement vers un report du premier Pyro’Festival, prévu samedi 3 octobre.

Ce « projet unique et ambitieux », se voulant à la fois « spectaculaire et convivial », a été imaginé par Julien Stoltz, de la société Brezac Artifices (basée en Dordogne), en partenariat avec Aude Gillier, responsable du Domaine de Vermoise, à Sainte-Maure, le « cadre idéal (de 3 hectares) » pour accueillir du public (5 000 personnes attendues). Au programme de 19 h à 1 h du matin : un grand show pyromusical en trois actes… C’est-à-dire avec trois feux d’artifice. Un spectacle pour « toute la famille » conçu par cet artificier dont des milliers de spectateurs ont déjà pu apprécier le savoir-faire le 14 juillet 2019 à Saint-Julien-les-Villas.

À la mi-mai, « nous n’avons pas pris de décision. Nous attendons de connaître les mesures gouvernementales. Mais nous avons peu d’espoir », indique Aude Gillier, qui ajoute : « C’est la première édition. Nous n’avons pas droit à l’erreur. »

On s’en doute, incertitudes et complications s’additionnent. « Nous ne savons même pas si les gens auront envie de sortir à ce moment-là. Pour l’heure, nous n’avons vendu qu’un nombre limité de billets 
», confie-t-elle. Il faut également prendre en compte la question des autorisations : «
 Une route devra être fermée. Et la préfecture doit nous donner le feu vert des semaines à l’avance. 
» Enfin, il y a les problèmes liés à la participation des entreprises (espace VIP). Laquelle, dans la conjoncture économique post-confinement, relève de l’aléatoire.

En tout état de cause, « il vaut mieux reporter que se lancer dans l’inconnu », conclut Aude Gillier.

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