La « touche française » brille aussi dans les feux d’artifice

« La France a une très longue histoire avec le feu d’artifice, elle est une des nations qui a apporté le plus de progrès scientifiques en pyrotechnie« , explique Pierre Thébault, consultant et président du Syndicat des fabricants d’explosifs, de pyrotechnie et d’artifices (SFEPA). 

Co-président du 15e Symposium international des feux d’artifice, qui se tient à Bordeaux du 20 au 25 septembre, il se réjouit que la manifestation soit organisée pour la première fois en France. Au total, 400 professionnels d’une trentaine de pays sont réunis pour partager leurs pratiques et présenter leurs innovations techniques lors de spectacles publics. 

La tradition française du feu d’artifice est ancienne: le premier spectacle pyrotechnique à Paris remonte à 1612; en 1739, les frères italiens Ruggieri deviennent les artificiers de Louis XV et se lancent dans d’audacieuses innovations; plus tard, les chimistes Antoine Lavoisier (1743-1794) et Claude-Louis Berthollet (1748-1822) contribuent à la mise au point des feux colorés… 

Autre facteur majeur, la tradition liée au 14 juillet, décrété en 1880 fête nationale devant être fêtée « avec largesse« . « Un gros marché est né et la profession d’artificier s’est beaucoup développée« , explique Pierre Thébault. 

Résultat, la France reste le plus gros marché en Europe. Leader sur le continent, l’entreprise Lacroix-Ruggieri —- produit de la fusion, en 1998, de deux champions français — tire 60% de son chiffre d’affaires annuel (30 millions d’euros) des 13 et 14 juillet. 

Mais si la production de matériel pyrotechnique résiste en Espagne, en Italie et au Portugal, elle s’est réduite depuis les années 2000 à la portion congrue en France. Les artificiers se fournissent en majorité en Chine, à Liuyang (centre-ouest), devenue capitale mondiale de la production. Les sociétés chinoises sont d’ailleurs présentes en force au symposium. 

– Conception théâtrale – 

Reste alors la créativité, d’autant que les spectacles pyrotechniques, largement assistés par l’informatique depuis vingt ans, associent désormais bandes-son, lasers, projections d’images et offrent une précision inédite. 

« Les Français sont particulièrement reconnus pour la conception de grands feux d’artifice« , confirme Jean-Michel Dambielle, directeur opérationnel de Lacroix-Ruggieri, qui, depuis 2008, a ouvert sept filiales à l’étranger, dont une en Chine et trois aux Emirats Arabes Unis. « Il y a au Moyen-Orient et en Asie une volonté d’augmenter l’attractivité touristique. Ce sont des marchés porteurs« , constate le responsable, qui vise aussi le « frémissant » marché sud-américain. 

Basée près de Toulouse, Lacroix-Ruggieri, qui emploie une cinquantaine de salariés permanents, a ainsi assuré la réalisation du gigantesque spectacle du 31 décembre 2014 à Dubaï: « Plus de 200 personnes ont travaillé, nos artificiers ont été trois mois sur zone, avec l’illumination de la tour Burj Khalifa, la tour la plus haute du monde (828 m) et 56 buildings autour« , précise Jean-Michel Dambielle. 

Après avoir réussi à creuser son sillon en France avec des spectacles thématiques, Planète Artifices, fondée en 1988 en Vendée, tend elle aussi à se développer à l’international: « Nos spectacles, qui s’attachent à raconter des histoires, sont un vrai atout« , souligne Jacques Couturier, fondateur de la société qui compte 25 permanents et a assuré le feu d’artifice des noces du Prince Albert de Monaco en 2012. Lauréat de nombreux prix internationaux, son fils, Joseph Couturier, revendique une inspiration tirée des arts vivants. « Lorsque j’ai présenté à Liuyang un spectacle inspiré de +La Petite Sirène+ d’Andersen, avec les textes traduits en chinois, cela a beaucoup plu alors que le public local est blasé« , explique le concepteur de 37 ans, qui a ensuite oeuvré à plusieurs reprises pour un gros artificier chinois. 

« Les Espagnols travaillent beaucoup sur le rythme et les couleurs, les Italiens sur le crescendo, les Français proposent des choses plus théâtrales, avec une thématique tenue jusqu’au bout« , confirme Martyne Gagnon, directrice de L’international des feux Loto-Québec de Montréal, un des trois plus grands festivals mondiaux avec Monaco et Macau. « C’est toujours très recherché« , témoigne cette spécialiste, dont le festival a accueilli 26 spectacles français depuis 1985. 


Opinions

Vincent Pons avec Boris ValléeFrédéric FillouxPar Christian Gollier, économiste à la Toulouse School of Economics.Par Jean-Yves Archer

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