Chaque année, les Genevois s’interrogent sur l’emplacement idéal pour admirer les grands feux d’artifice de clôture des Fêtes de Genève. La majorité d’entre eux trouve sans bourse délier un coin de bitume, de gazon ou de toit pour profiter du spectacle. D’autres préfèrent fuir la foule et mettre la main au porte-monnaie pour s’assurer confort et vue imprenable.
Autour de la rade, la facture s’étale de 50 francs, le prix de départ pour les places assises aux premières loges, à 12 000 francs pour la croisière d’une journée entière pour dix personnes sur le catamaran Floatinn. Entre ces extrêmes, les menus des restaurants commencent dans les 80 francs, jusqu’à près de 400 francs dans certains cinq-étoiles. Les commerçants ne participent pas au financement des feux. Alors, cette soirée est-elle particulièrement lucrative? Tous ceux que nous avons contactés le contestent.
Les gens veulent des prix doux
Aucune majoration ne sera perçue pour cette soirée, promettent Les Voiles, ce lounge estival près de Genève-Plage. «La plupart des établissements imposent un menu, or nous voulions libérer nos clients de cette contrainte, explique Alexane Matseraka, en charge de la communication et des événements. Cette année, ils pourront manger à la carte, au même prix que n’importe quel autre soir. Nous ne voulions pas exploiter ce filon.»
La Perle du Lac est prise d’assaut chaque année pour l’événement. Malgré la garantie d’afficher complet, qu’importe la formule, l’établissement a baissé ses prix en 2015. «Avant, nous étions sur un positionnement beaucoup plus élevé avec un menu à 110 francs, rappelle Marion Foroni, assistante de direction. Mais les gens n’ont plus envie de grands repas avec quatre ou cinq plats. Pour la première fois l’an dernier, notre partie restaurant a mis beaucoup plus de temps à se remplir de réservations que notre partie café. Donc cette année, nous proposons un menu commun aux deux, à 85 francs, sans volonté de tirer les prix vers le haut.»
Au Lacustre, à l’entrée des berges du Rhône, menu à 90 francs. La meilleure soirée de l’année en caisse? «Pas forcément, répond Lorianne Froidevaux, gérante adjointe. Les gens occupent la table plus longtemps ce soir-là car ils veulent profiter, alors que d’habitude on peut assurer deux ou trois services. Le soir des feux, on fait donc moins de couverts que d’habitude.»
Un peu plus loin, au Riverside Café, menu vins et tapas à 100 francs. «Les feux, c’est une bonne soirée, c’est vrai. C’est mieux qu’un samedi sans feux, admet Nicolas Berclaz. Mais ça n’est plus la meilleure de l’année. On fait souvent mieux avec un bon afterwork.»
Certains établissements sont hors concours ce soir-là. Si la Société nautique est réservée à l’année aux membres du club, d’autres endroits se privatisent exceptionnellement. C’est le cas du Bateau Genève, quai Gustave-Ador, qui réserve le spectacle à ses bénévoles, ses membres et ses donateurs.
Le Cottage Café, idéalement placé dans les Jardins de Brunswick, se permet quant à lui le luxe de fermer ses portes. «Il y a des choses qu’on ne peut pas gérer, comme le 1er Août et le soir des grands feux, nous explique Nicole Boder. C’est tellement le chaos dans ce jardin; il y a trop de monde, trop de demandes d’utiliser nos toilettes.» Des inconvénients qui ne sont pas compensés par la rentrée d’argent exceptionnelle? «Ce ne serait pas un bon chiffre d’affaires mais une crise de nerfs qu’on gagnerait!»
A l’Hôtel de la Paix, quatre suites avec balcon sont mobilisées au cinquième étage pour une soirée cocktail dînatoire à 350 francs, champagne compris. Le prix de la location de ces chambres est-il en partie sacrifié? «A cette période, on aurait vendu cette nuit de toute façon, affirme Caroline Mayer, responsable de la communication. Il faut surtout bien jongler pour ne pas perdre de longs séjours.»
A l’Hôtel d’Angleterre, menu de dégustation indien pour 250 francs. «Nous avons aussi loué un emplacement sur le trottoir devant notre véranda, pour ceux qui souhaitent voir les feux depuis l’extérieur, indique Jean-Vital Domézon, directeur général. Quant aux chambres donnant sur le lac, il ne nous en reste qu’une. On les vend à la fourchette de prix la plus élevée, mais je ne surfacture pas ces nuits-là.»
Pour les marins d’eau douce
Les feux depuis la terre ferme, c’est bien. Mais depuis les p’tits bateaux qui vont sur l’eau, c’est mieux? Chez le loueur de bateaux Les Corsaires, on ne se risque plus à l’aventure. «C’était trop galère, témoigne Gilles Urben. On louait les bateaux entre 40 et 80 francs, mais cela supposait une grosse mise en place, du travail de nettoyage après. On devait garder le personnel jusqu’à minuit ou 1 h du matin. La solution aurait été d’augmenter les prix, mais je n’ai pas voulu.»
Chez Marti Marine, deux options:
la location d’un bateau avec pilote, cocktail dînatoire et champagne, dès 1500 francs pour huit personnes. Ou la version à quai, sur leur buvette La Terrasse, avec un menu en collaboration avec le chef Philippe Chevrier, pour environ 150 francs par personne. Une soirée qui fait gonfler le chiffre d’affaires? «Pas du tout! s’exclame la gérante. On doit engager d’importants frais de sécurité car on barricade notre espace de 200 m2, sinon tous les Genevois monteraient sur nos estacades. Nous devons aussi engager des Securitas. C’est donc une soirée hyperstressante.»
Le catamaran Floatinn remporte la palme de la soirée la plus chère de notre sélection. Pour 12 000 francs, une journée de navigation avec repas à bord puis retour aux Eaux-Vives vers 19 h, repas ou cocktail dînatoire et feux d’artifice depuis le fly deck. Une bagatelle pour les touristes russes ou orientaux? «L’an dernier, ce sont des jeunes entrepreneurs genevois qui se sont rassemblés pour bénéficier des feux de clôture, répond Jean-Luc Oestreicher. Mais les feux d’ouverture des Fêtes n’avaient pas trouvé preneur.» (TDG)
(Créé: 02.08.2015, 18h06)