Quelque part dans les environs de Bourg-Achard. Un site à l’abri des regards, dont seule l’indication « interdiction de fumer » rappelle aux personnes averties l’activité de l’entreprise. Bienvenue dans le monde secret des artificiers. Ce monde d’hommes et de femmes de l’ombre qui n’ont que pour passion d’inonder nos ciels de lumières et nos cœurs d’émotions.
Comme en 2015, la société 8e Art s’est vu confier le marché du feu d’artifice de clôture du village de la Transat
Jacques Vabre. Une entreprise à la signature désormais incontournable en Normandie (et ailleurs). Depuis 1999, elle pose sa griffe dans le ciel de l’Armada de Rouen. Le 5 juin 2014, elle embrasait la côte normande, en simultanée sur les 80 km de plages du Débarquement pour lancer officiellement les commémorations du 70e anniversaire de l’opération « Overlord ». Le 2 septembre 2017, les Havrais tombaient sous le charme du feu tiré depuis le bassin de l’Eure afin de souhaiter « bon vent » aux Grandes Voiles. « Nous allons emmener le public vers quelque chose d’aussi riche, d’aussi dense », lance Jean-Loup Pottier, directeur commercial de 8e Art la semaine et artificier chef d’équipe le week-end. « Prendre le public par la main pour l’inviter au voyage de la France au Brésil, en mer de jour comme de nuit sur l’océan, à travers nos fresques. Une chose est sûre, on devrait les étonner… » [lire par ailleurs].
Pour cela, aux côtés de son directeur et concepteur artistique, Gérard Métayer, le personnel (une dizaine de permanents et 120 artificiers) a travaillé à la création de ce spectacle très rythmé d’un quart d’heure. « En tout, c’est près d’un an de préparation, de l’appel d’offres au tir. » Auprès des chimistes chinois, espagnols, italiens, plus rarement français pour la fourniture des produits. En atelier, pour la conception artistique, l’esquisse, puis technique. Mais dès que possible sur le site de tir. Sa configuration conditionnera le spectacle. « Une barge de tir, donc un espace réduit, est déjà une contrainte. En la disposant bassin de l’Eure, pile dans l’axe du bassin Vatine, nous bénéficions d’un rayon de sécurité de près de 90 m (autour duquel le public est tenu à distance), largement suffisant pour des projectiles de 75 mm. Un calibre idéal pour densifier le contenu. Ce que veut le public et ce qu’il avait, semble-t-il, apprécié le 2 septembre au cours des Grandes Voiles. » Pour le spectacle de demain soir, plus de 10 000 projectiles seront tirés. En atelier, il aura fallu près de deux semaines pour les installer au degré près afin d’obtenir la mise en étage souhaitée. La barge, elle, ne sera déposée qu’une à deux heures avant le spectacle.
Pastels et dégradés
Dans l’obscurité ou au cœur du public, les artificiers ne jouissent que trop rarement de l’aura des artistes. Qui n’a jamais dit « le feu du Havre ou le feu de la Transat » sans jamais citer son créateur ? « Nous sommes tous artificiers par passion. Notre récompense, ce sont les applaudissements. Ils transmettent les remerciements du public. Mais mieux encore, entendre l’émerveillement, les « wouah ! » ou encore « c’est pas fini ! » nous mettent la chair de poule. »
Gérard Métayer et Jean-Loup Pottier sont passés maîtres dans l’art de jouer avec nos émotions. Ils en révèlent le secret : « Pour qu’une fresque ait de l’allure, il faut mélanger couleurs chaudes et couleurs froides. Évidemment pour donner du relief, on saupoudre de crépitements, de dorés. L’explosif apporte la puissance. Mais l’émotion passe avant tout par le pastel et les dégradés de couleurs. On peut très bien combiner du turquoise, du colvert et du bleu électrique. »
De l’art avec un grand A qui ne connaît pas vraiment la crise alors que sa principale clientèle demeure les municipalités aux budgets contraints par les baisses de dotation de l’État. Pour y remédier, Le 8e Art a étoffé son répertoire de clientèles. Non sans reconnaître l’aubaine que représente ce feu de la Transat. « Il tombe à une excellente date. Alors que l’activité se concentre principalement sur l’été. Pour une fois, il va permettre aux artificiers de l’entreprise d’y assister et de solliciter plus facilement des photographes ». L’emplacement idéal ? Pile dans l’axe, quai de la Martinique.