Trois raisons de boycotter les feux d’artifice

Chaque 14 juillet, c’est le même dilemme. Peut-on aller voir les feux d’artifice en toute innocence ? Les spectacles pyrotechniques sont régulièrement montrés du doigt pour les multiples pollutions qu’ils génèrent. Tiraillé entre envie d’émerveillement et conscience écologique, Reporterre fait le point sur ces festivités explosives.

1. L’étincelle qui met le feu aux forêts ?

Arles, Aubagne, Nîmes Alès… Dans le Sud, plusieurs dizaines de communes ont annulé leur feu d’artifice. En cause : le risque d’incendie. « C’est une question de prévoyance, a expliqué à Europe 1 Frédéric Pastor, adjoint aux festivités de la mairie de Nîmes. On est dans un site qui est boisé, il y a une sécheresse importante sur le département, avec une sollicitation permanente des effectifs de pompiers. » La semaine dernière, un incendie a ravagé plus de 600 hectares de forêt dans les Cévennes. Plus au nord, en Touraine, la préfète d’Indre-et-Loire a prévenu qu’elle « [aurait] peut-être à limiter le nombre de feux d’artifice en lien avec le 14 juillet, car c’est un risque compte tenu de ces vents ».

Des annulations en pagaille qui peinent David Proteau, directeur artistique de l’entreprise Ruggieri : « Ces mesures sont ridicules, dénonce le pyrotechnicien. D’accord pour annuler dans certains endroits, les plus à risque, mais partout comme ça, ça n’a pas de sens. Maîtriser le risque incendie, ça fait partie intégrante de notre métier, on sait faire ! » Choix de l’emplacement de tir, précautions dans l’usage des produits… « Il y a certains effets pyrotechniques plus risqués, comme l’effet saule pleureur [1] qu’on doit éviter », précise M. Proteau.

2. Des explosions de particules fines

Lorsque les feux d’artifice explosent, ils libèrent des fumées, gaz, débris et particules qui se répandent dans l’air, l’eau et sur le sol. Autant de polluants qui peuvent ensuite se retrouver dans l’environnement comme dans nos poumons.

D’après la fédération des Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Atmo) les métaux utilisés pour donner la couleur pourraient notamment avoir des effets délétères pour notre santé : « Les contaminations au cuivre [utilisé pour faire le bleu] sont susceptibles d’entraîner des taux élevés de dioxine et des problèmes de peau, les contaminations à l’aluminium [utilisé pour créer des étincelles] sont liées à des problèmes cognitifs et sont suspectées d’augmenter la prévalence de la maladie d’Alzheimer ; le baryum [utilisé pour faire du vert] peut causer des problèmes gastro-intestinaux », liste l’association.

Une hausse de 42 % du niveau de particules fines dans l’air est observée dans l’heure qui suit un feu d’artifice, selon une étude. Pixnio/CC0

Une étude américaine de 2015 publiée dans la revue Science Direct révélait une hausse de 42 % du niveau de particules fines dans l’air au cours de l’heure qui suit le feu d’artifice, le taux ne revenant à la normale que le lendemain. Selon l’Atmo, « si un seul feu d’artifice n’a pas de conséquences dévastatrices sur l’environnement, c’est la répétition de ces spectacles qui peut entraîner des contaminations importantes ». L’organisation précise par ailleurs qu’« en proportion annuelle, la pollution due aux feux d’artifice est moindre que celle liée à d’autres sources, comme le trafic ».

David Proteau défend pour sa part la création de feux « écoresponsables » : « On peut tout à fait limiter les impacts environnementaux des feux, assure-t-il. Beaucoup d’artificiers utilisent du papier aluminium pour envelopper les composants, mais on peut utiliser du papier et du carton à la place. » Son entreprise développe également des compositions pyrotechniques sans plomb, avec très peu de retombées de métaux lourds. « C’est une question de volonté et d’argent », précise celui qui a créé les spectacles tirés ce 14 juillet à Paris, Carcassonne, Bordeaux ou Angers.

3. Pas d’enchantement pour les oiseaux

Comme le racontait Reporterre en 2021, ces spectacles sont éprouvants pour nos amis à plume. À chaque festivité pyrotechnique, des dizaines d’oiseaux succombent. Mais comment les feux d’artifice peuvent-ils provoquer pareils dégâts chez nos camarades ailés ? « Les fortes déflagrations, surtout quand elles sont soudaines, provoquent une augmentation du stress, du rythme cardiaque et de la vigilance des oiseaux », expliquait à Reporterre Jean-Marc Pons, ornithologue au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), décrivant des réactions de panique, des collisions ou des abandons de nid, avec les oisillons dedans.

En 2015, David Proteau avait conçu un spectacle du 14 juillet à Toulouse, qui avait provoqué la mort de dizaines d’oiseaux. « Depuis, j’ai changé ma façon de démarrer mes feux d’artifice, raconte-t-il. J’habitue les oiseaux au bruit et à la lumière, en augmentant la fréquence et l’intensité progressivement. Un peu comme un orage, qui arrive progressivement. La recette fonctionne, et nous n’avons plus retrouvé d’oiseaux morts. » Incendie, pollution, dommage à la faune… Va-t-on vers la fin de ces spectacles détonants ? « Non, répond sans hésiter le pyrotechnicien, ça fait trop partie de notre culture. Je pense que l’artifice a de l’avenir, à condition que la profession se remette en cause. »

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